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Le
traitement des collections par anoxie :
une méthode de conservation préventive
Le rôle des musées dans le cadre de la conservation préventive :
Selon l'article 2 de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, « Les musées de France ont pour missions permanentes de :
a) conserver, restaurer,
étudier et enrichir leurs collections ;
b) rendre leurs collections accessibles au public le plus large ;
c) concevoir et mettre en œuvre des actions d'éducation et de diffusion
visant à assurer l'égal accès de tous à la culture
d) contribuer aux progrès de la connaissance et de la recherche ainsi
qu'à leur diffusion. »
Ce dossier vous propose donc d'aborder une des missions des musées : la conservation des objets de musée. Plus particulièrement, nous traiterons ici d'une des méthodes de conservation préventive, le traitement par anoxie, visant à éliminer la présence d'insectes nuisibles pour les objets.
Le problème des objets constitués
de matières organiques
Dans le cas des objets en bois (mobiliers, statues, encadrements, crosses, manches d'objet, etc...), il faut surveiller l'attaque des insectes xylophages (vriellettes, lyctus,etc...). Mais d'autres matériaux organiques (papiers, tissus...) peuvent être attaqués par d'autres insectes (les mites par exemple).
Qu’est-ce que l’anoxie ?
Habituellement, chez un
particulier ou une entreprise, les insectes xylophages sont éliminés
par des traitements insecticides.
Dans le cas des collections de musées, la nature chimique de ces produits
n’est pas suffisamment neutre pour garantir la préservation optimale
de l’objet dans sa structure et dans son aspect. Un mode opératoire
doit alors être mis en œuvre pour éliminer tout risque de
dégradation.
En partant du principe que les matériaux organiques sont ici menacés
par des organismes ayant besoin d’oxygène pour vivre, sa suppression
aura pour effet de tuer les organismes vivants quelque soit leur nombre, leur
espèce, leur stade de développement (œuf, larve, nymphe,
imago).
De plus, cette méthode reste neutre et garantit l’intégrité des objets.
Afin de supprimer l’oxygène dans l’environnement des objets,
deux modes opératoires peuvent être mis en place :
Le premier, pour les objets de faible encombrement (moins d’un mètre
cube) consiste à absorber l’oxygène et à l’emprisonner
à l’aide de sachet contenant une matière réactive
qui dégrade l'O2 (l'oxygène sous forme de
gaz présent dans l'air) en s'oxydant, les objets étant isolés
dans une housse scellée.
Pour les objets de fort encombrement ou pour un traitement global d’un
grand nombre d’objets, la technique des absorbeurs chimiques d’oxygène
n’est pas suffisante. Une grande housse est alors constituée. À
l’intérieur, les objets sont placés dans une atmosphère
modifiée et contrôlée où l’oxygène a
été remplacé par un gaz neutre.
Au terme du traitement, l’objet pourra être mis en réserve
ou exposé à nouveau. L’anoxie ne modifiant en rien la nature
de l’objet, il faudra veiller à protéger la pièce
traitée de toute mise en contact avec des objets suspects. Toutes les
nouvelles acquisitions passeront désormais par une période de
quarantaine afin de déceler les éventuelles traces d’infestation.
Procédures de conditionnement
Pour
des objets de faible encombrement (moins d'un mètre cube):
En restant sur le traitement
d’objets de faible encombrement (plus simple à gérer), certains
musées, comme le musée des Beaux-Arts d’Angoulême,
ont choisi de former leur personnel afin de pouvoir effectuer ces traitements
en parfaite autonomie. Dans ce cas, les musées ont aussi fait l’acquisition
du matériel nécessaire pour effectuer la mise sous anoxie.
Dès que l’objet de musée semble subir l’attaque d’insectes
(présence de trous d’envol, partie vermoulue, trace de sciures),
il est versé au nombre des pièces à traiter. Il est mesuré
de façon à concevoir un caisson en plastique cannelé aux
dimensions. Ce caisson formera un support rigide autour duquel sera bâtie
la housse (on peut grouper plusieurs objets de même nature à l’intérieur
d’une housse). Cette dernière est faite d’un matériau
complexe (plastique et aluminium) ou d’un film transparent (afin de visualiser
le contenu). Des bandes de ce matériau sont ainsi découpées,
pliées et soudées hermétiquement à l’aide
d’une pince chauffante prévue à cet effet. Avant de terminer
de sceller la housse, des sachets contenant une matière réactive
à l’oxygène (ici, une poudre à base d’oxyde
de fer activé) sont placés à l’intérieur.
Leur quantité est préalablement calculée en fonction du
volume de la housse. Au-delà d’un mètre cube, cette méthode
n’est plus fiable et il faut procéder à la réalisation
d’une chambre d’anoxie. Les sachets sont soigneusement disposés
de manière à éviter le contact direct avec l’objet
à traiter. En effet, la réaction, qui conduit à la suppression
de l'O2 par phénomène d'oxydo-réduction,
induit le dégagement d’une température d’environ 35°
C pendant environ une heure. Un papier muni d’un réactif coloré
est aussi placé dans la housse afin de contrôler le degré
d’humidité. Si la couleur devient rose, l’air est trop sec
pour une bonne conservation des objets : la housse devra être ouverte
et l’objet devra subir une nouvelle intervention dans un milieu suffisamment
humide.
La housse est enfin complètement scellée. Le taux d'oxygène
sera contrôlé par l’utilisation d’un appareil pompant
l’air à l’intérieur de la housse par une sorte de
seringue. Pour ce faire, on perce la housse à travers un petit morceau
de mousse adhésive qui se dilatera pour boucher le trou de l’aiguille.
Cette opération de contrôle étant relativement délicate,
elle ne doit pas être trop souvent répétée.
L’objet ainsi conditionné devra rester sous anoxie (moins de 0,3%
d'O2) durant un minimum de trois semaines (dans le cas
du musée d’Angoulême, cette durée a été
doublée par mesure de sécurité) afin de détruire
les insectes quelque soit leur stade de développement. La température
ambiante a aussi un rôle important car à moins de 20° C, les
insectes peuvent se placer en diapause (sorte d’hibernation hors du cycle
des saisons) et mieux résister au traitement : le temps doit donc être
augmenté en conséquence.
La réalisation d’une chambre d’anoxie (Exemples des réserves du musée de Parthenay et du musée de Saint Jean d’Angely) :
Les exemples des travaux
de réfection de réserves à Parthenay et de ceux de la création
du nouveau musée des Cordeliers à Saint-Jean-d’Angély
permettent d’aborder le traitement par anoxie de collections entières.
En effet, dans ces cas-là, l’obtention de nouveaux locaux a permis
de traiter à grande échelle des objets (mobiliers, peintures,
fusils, papiers, textiles…) qui présentaient des dégradations
par les insectes.
La réalisation d’une chambre d’anoxie est néanmoins
un travail nécessitant un savoir-faire et un appareillage spécialisés,
effectuée par des sociétés compétentes.
La chambre d’anoxie est installée dans un espace clos et surveillé
(réserve ou pièce dédiée à cet effet).
Dans un premier temps, des grandes bandes en matériaux composites sont
taillées à la longueur de la chambre et constituent la base de
la housse. Elles sont soudées entre elles et forment ainsi une sorte
de tapis sur lequel les objets à traiter seront déposés.
Le sol a été soigneusement nettoyé et des morceaux de moquettes
ont été placés entre la housse et la charge afin d’éviter
tout risque de déchirement du revêtement.
Les objets sont dépoussiérés et placés sur la housse
de manière à garantir une circulation suffisante de l'air et pour
éviter la formation de poches de dioxyde lors du traitement.
Une fois les objets à traiter posés sur toute la surface de la
chambre, le reste de la housse est constitué. Une sorte de cloche est
ainsi réalisée, sa mise en place est délicate même
si les risques de déchirures ont été minimisés en
isolant par de la mousse toutes les saillies aiguës (tels que les montants
des étagères). La « cloche » est soudée au
« tapis » de manière hermétique, seuls des systèmes
de valves sont disposés pour permettre la circulation de l’air
entre les différentes machines et l’intérieur de la chambre.
Pour vérifier la bonne étanchéité de la housse,
de l’hélium est d’abord injecté dans la chambre. Le
gaz, hautement volatile, tentera de sortir de la housse par d’éventuelles
brèches. On passe alors la surface de la housse au spectromètre
de masse qui détectera toute trace d’hélium. Les soudures
imparfaites sont alors consolidées à l’aide d’une
pince à souder thermique.
Une fois cette opération terminée, la mise sous anoxie peut commencer
: des automates programmables pompent l’atmosphère contenue dans
la chambre pour y supprimer toute trace d’oxygène tandis qu’un
autre appareil injecte de l’azote (gaz inerte et neutre) en remplacement.
Placé sur le circuit d'acheminement de ce gaz, en amont de la chambre,
un humidificateur d’azote atomise de l’eau pour assurer un taux
d’humidité constant.
La suppression de l'O2 à l’intérieur
par les automates dure plusieurs heures.
Lorsque le taux d'oxygène est nul (avec une marge de deux centièmes),
les automates sont retirés.
L’atmosphère interne de la chambre est alors régulièrement
contrôlée. On surveille toute remontée du taux d'oxygène,
la température est contrôlée ainsi que le taux d’humidité.
Ces deux derniers paramètres sont importants et agissent l’un sur
l’autre (la baisse de température provoquant la hausse du taux
d’humidité pouvant entraîner la dégradation des œuvres
au même titre qu’un air trop sec).
Ainsi, pour une température de plus de 20° C, les objets sont soumis
au traitement par anoxie pour une durée de quatre semaines au terme desquelles
les pièces des collections seront convenablement désinsectisées.
Avant l’ouverture de la cloche, il conviendra de traiter la pièce
qui va recevoir les objets ou la réserve à l’aide d’aérosols
insecticides. Dans le cas des réserves, un sas de décontamination
sera créé ainsi qu’une zone de quarantaine pour les objets
nouvellement acquis et les retours d’expositions.